dimanche 23 mars 2008

Rimini, dernière escale

Voici l’article, un peu tardif, consacré à la dernière ville visitée par le projet ChallenGES Tour. Cette ville, ce n’est autre que Rimini, chère au cinéaste Fellini, et rendez-vous estival de 5 millions de vacanciers. Mais nous l’avons découverte dans son intimité du mois de février. Ses plages sont encore vides tout comme ses hordes d’hôtels, la plupart de ses discothèques, ses places médiévales, ses sites archéologiques et moult autres attractions touristiques. C’est en été que la ville se transforme en « capitale européenne du tourisme et du FUN », et sa population atteint alors 700 000 habitants (contre 150 000 en hiver). Cette multiplication a naturellement une influence sur son réseau de transport, sa consommation énergétique, la qualité de son air ou encore son système de ramassage des déchets, ce qui impose à la ville une gestion très particulière.


Les plages de Rimini en été

Depuis quelques années, la ville cherche à inculquer une touche de durabilité à ce tourisme de masse. Progressivement. La tâche est rude puisque une importante partie de la ville s’est construite dans une logique uniquement financière dans les années 60 et aujourd’hui les infrastructures ne se prêtent guère à cet objectif. Mais le dynamisme économique de la région est un atout de poids pour la municipalité.

A la plage

Notre interlocuteur là-bas était Davide Frisoni, l’ingénieur responsable du secteur de l’énergie à la mairie. Membre d’Energie-Cités depuis 2005, la ville met en place une politique énergétique dynamique. M. Frisoni est impliqué dans les principales initiatives prises par la ville dans le domaine du développement durable. C’est à deux d’entre elles que nous allons nous intéresser ici.

La première est la reconstruction d’immeubles sociaux vétustes en « éco-complexe » de logement sociaux à la fois très économe en énergie et pensé pour créer une vraie cohésion sociale entre ses habitants. La seconde est l’implication dans le réseau BELIEF, projet d’approche participative de l’énergie coordonné par Energie-Cités et auquel participent 20 villes européennes.

Un « éco-complexe » de logements sociaux

Un eco-complexe de toute beauté

Situé non loin du centre ville, ce complexe remplace depuis 2006 un ensemble d’immeubles vétustes habités par des personnes en difficulté. Aujourd’hui il accueille toujours le même « public », mais dans des conditions autrement plus décentes et même, disons-le : exceptionnelles. Il est composé de 122 appartements, certains sont aménagés pour que des personnes à mobilité réduite puissent y vivre agréablement. Le complexe forme un « C » au cœur duquel se trouvent un petit parc et une salle polyvalente destinée à abriter tous types d’activités adressées aux habitants. Un local est même prévu pour accueillir une association qui s’attache à organiser des activités, notamment à destination des personnes âgées.

Au centre une salle dédiée à la cohésion sociale

Les avantages de ce complexe ne se résument pas à la qualité de vie qu’il apporte. C’est aussi un bâtiment très économe en énergie et respectueux de l’environnement. Les matériaux utilisés sont « écologiques » et les murs à haute inertie thermique contribuent à préserver une température agréable à l’intérieur en hiver comme en été (sans climatisation, ce qui est rare pour la région). L’emplacement des arbres plantés autour a également été réfléchi de manière à offrir une ombre précieuse l’été sans cacher le soleil l’hiver (feuilles caduques). L’utilisation de la lumière naturelle est optimisée et un système de récupération des eaux pluviales permet l’arrosage des jardins. Des panneaux photovoltaïques alimentent en électricité les ascenseurs, les systèmes d’arrosage et d’éclairage des parties communes. Le système de chauffage collectif utilise une chaudière au gaz à condensation, de 15 à 20% plus efficace que les chaudières traditionnelles. Tout ceci contribue à obtenir un habitat à basse consommation (50 à 60 kWh/m2/an soit environ 4 fois moins que les anciens logements)

Idéal pour les réunions de voisinage

Un autre aspect inhérent à ce projet est le fait que l’ensemble des travaux a servi de modèle aux étudiants de l’institut technique du bâtiment de Rimini qui ont pu suivre l’évolution de la construction (de 2003 à 2006). Ils ont matérialisé leurs acquis en rédigeant un guide dédié à l’éco-construction.

La lumière naturelle favorisée

C’est dans le cadre d’un nouveau programme pour la réfection de l’habitat social lancé par le Ministère des Travaux Publics que ce projet a vu le jour. Les fonds du Ministère, de la région Emilia Romagna et de la compagnie de l’habitat de la province de Rimini ont permis son financement.

Les éco-matériaux à la fête (dont le bois ici)

Les avantages de ce complexe sont doubles pour ses habitants : il leur apporte confort de vie, favorise la solidarité et la rencontre entre personnes. Il évite l’isolement chronique dans lequel sont enfermées certaines (notamment les personnes âgées). Il leur permet aussi de réaliser des économies sur leurs factures énergétiques. L’inconvénient important de ce projet a été la période de transition. Il a en effet fallu reloger tout les résidents temporairement, ce qui n’était pas aisé. C’est un point qui a été traité avec beaucoup d’attention et qui a donc pris beaucoup de temps.

Les apports de l’implication de Rimini dans le projet BELIEF

BELIEF promeut le concept de “Communautés énergétiquement durables” à l’échelle européenne. Il encourage la mise en place de forums locaux sur l’utilisation intelligente de l’énergie dans 20 municipalités de 11 pays européens, incluant des représentants des nouveaux pays membres et des pays candidats. En France : Rennes, Grenoble et Dunkerque participent au projet. Chaque municipalité a aussi pour mission de mettre en place une équipe chargée de l’établissement d’un plan d’action pour la gestion durable de l’énergie. Celui-ci est accompagné d’un plan de financement prévoyant les ressources nécessaires à la mise en place des initiatives et activités.

La ville vaut le coup d'oeil

Les informations, exemples à suivre, résultats, méthodologies et outils sont partagées avec les autres villes.

Le département environnement de Rimini, auquel appartient la section énergie, a ainsi mis en place quatre forums depuis 2006. A chaque fois, au moins 40 personnes étaient présentes. Le forum qui a connu le plus grand succès a attiré plus de 100 personnes. Il portait sur « les ressources financières pour une utilisation intelligente de l’énergie ». Il a été organisé afin d’assurer la diffusion du savoir et de la connaissance sur les moyens financiers pouvant contribuer à l’établissement de mesures d’efficacité énergétique et de structures d’utilisation des énergies renouvelables. De nombreux acteurs publics et privés étaient présents : représentants de la municipalité, fournisseurs d’énergie, banques et ESCOs, représentants d’écoles primaires, associations. Des engagements ont été pris par ces acteurs à l’issue du forum, qui a ainsi débouché sur des mesures très concrètes. Par exemple, 3 ESCOs s’engagent à fournir des audits énergétiques gratuits pour des hôtels afin d’augmenter leur efficacité énergétique. De même, l’administration s’engage à remplacer sa chaudière au gasoil par une chaudière à condensation au gaz. D’autre part, des ressources financières pour l’administration seront obtenues grâce à la vente de certificats blancs et les économies d’énergie. Ce forum a été un véritable succès.

Rimini et ses allures de vacancière n’est pas uniquement une ville festive. La ville se distingue aussi par sa volonté d’utiliser intelligemment l’énergie et ainsi dans le même temps lutter contre le changement climatique. Si sa tâche pour atteindre un statut de ville sobre en énergie est extrêmement ardue du fait de son succès touristique, elle n’y renonce pas en choisissant de prendre le chemin de la durabilité.