mardi 15 avril 2008

Bilan du projet ChallenGES Tour

Après un an de préparation, le projet ChallenGES Tour a pris son envol le 20 août 2007 dans la ville de Martigny en Suisse. Nous (Laure & Thomas) avons consacré les six mois qui ont suivi au voyage à travers l’Europe à la découverte de la contribution urbaine à la lutte contre le réchauffement climatique. 20 villes dans 10 pays ont participé activement au projet et nous les en remercions.

Notre itinéraire

Revivez les aventures de ChallenGES Tour

Vous pourrez consulter sur ce blog l’ensemble des articles qui ont décrit nos aventures pendant ces six mois. Sur la droite, vous trouverez les liens vers nos articles classés par date et par lieu. N’hésitez pas à y faire un tour !


ChallenGES Tour : le projet se poursuit

Si notre second passage à Nancy le 15 février 2008 a marqué la fin du voyage, le projet va se poursuivre avec une valorisation de ce voyage. Pour cela, vous pouvez notamment retrouver le site du projet : www.challengestour.eu

Nos nombreuses rencontres et visites nous ont permis de collecter une quantité d’informations considérable. Afin d’en faire profiter le plus grand nombre et en particulier les villes partenaires du projet, nous traitons actuellement cette information. Pour cela, nous profitons notamment du savoir-faire de l’association de villes européennes Energie-Cités qui, rappelons-le, a accompagné et soutenu l’ensemble du projet. Naturellement, nous ferons profiter l’association Energie-Cités du fruit de notre travail.

Freiburg-im-Brisgau (Allemagne), l'une des villes partenaires


Les réalisations actuelles et à venir

Actuellement et depuis notre retour, nous transcrivons les « bonnes pratiques » observées en fiches qui seront envoyées à chaque ville partenaire et feront également partie de la « banque » de bonnes pratiques de l’association Energie-Cités. 11 fiches portant sur des initiatives concrètes et achevées ont vu le jour jusqu’à présent alors que les informations récoltées devraient permettre d’en réaliser une vingtaine (de même type). Certaines actions intéressantes en cours feront aussi l’objet de fiches susceptibles d’inspirer les acteurs de la ville.

Nous cherchons également à réaliser un document descriptif de chaque ville dans son ensemble accompagné de notre vision de la politique énergétique qui y est menée.

Enfin, à partir de septembre 2008, nous nous servirons de cette expérience pour sensibiliser la population sur le Grand-Nancy aux problématiques énergétique et climatique et au concept de développement durable. Nous visons les publics scolaire, étudiant et le grand public à travers plusieurs opérations (interventions en classe, expositions et conférence). Ce volet du projet fait partie intégrante des activités de l’association 3D’Tour. Pour ChallenGES Tour, un site Internet (en cours de construction pour plusieurs mois) viendra appuyer cette démarche et complètera les interventions.

Pour finir, un grand merci à l’association Energie-Cités et son équipe, aux villes qui ont participé au projet, à nos autres partenaires (citons notamment le Grand Nancy, l’ENSAIA (notre école), l’ANAENSAIA, l’INPL, …). Et enfin : Merci à VOUS, lecteurs.

Laure & Thomas

dimanche 23 mars 2008

Rimini, dernière escale

Voici l’article, un peu tardif, consacré à la dernière ville visitée par le projet ChallenGES Tour. Cette ville, ce n’est autre que Rimini, chère au cinéaste Fellini, et rendez-vous estival de 5 millions de vacanciers. Mais nous l’avons découverte dans son intimité du mois de février. Ses plages sont encore vides tout comme ses hordes d’hôtels, la plupart de ses discothèques, ses places médiévales, ses sites archéologiques et moult autres attractions touristiques. C’est en été que la ville se transforme en « capitale européenne du tourisme et du FUN », et sa population atteint alors 700 000 habitants (contre 150 000 en hiver). Cette multiplication a naturellement une influence sur son réseau de transport, sa consommation énergétique, la qualité de son air ou encore son système de ramassage des déchets, ce qui impose à la ville une gestion très particulière.


Les plages de Rimini en été

Depuis quelques années, la ville cherche à inculquer une touche de durabilité à ce tourisme de masse. Progressivement. La tâche est rude puisque une importante partie de la ville s’est construite dans une logique uniquement financière dans les années 60 et aujourd’hui les infrastructures ne se prêtent guère à cet objectif. Mais le dynamisme économique de la région est un atout de poids pour la municipalité.

A la plage

Notre interlocuteur là-bas était Davide Frisoni, l’ingénieur responsable du secteur de l’énergie à la mairie. Membre d’Energie-Cités depuis 2005, la ville met en place une politique énergétique dynamique. M. Frisoni est impliqué dans les principales initiatives prises par la ville dans le domaine du développement durable. C’est à deux d’entre elles que nous allons nous intéresser ici.

La première est la reconstruction d’immeubles sociaux vétustes en « éco-complexe » de logement sociaux à la fois très économe en énergie et pensé pour créer une vraie cohésion sociale entre ses habitants. La seconde est l’implication dans le réseau BELIEF, projet d’approche participative de l’énergie coordonné par Energie-Cités et auquel participent 20 villes européennes.

Un « éco-complexe » de logements sociaux

Un eco-complexe de toute beauté

Situé non loin du centre ville, ce complexe remplace depuis 2006 un ensemble d’immeubles vétustes habités par des personnes en difficulté. Aujourd’hui il accueille toujours le même « public », mais dans des conditions autrement plus décentes et même, disons-le : exceptionnelles. Il est composé de 122 appartements, certains sont aménagés pour que des personnes à mobilité réduite puissent y vivre agréablement. Le complexe forme un « C » au cœur duquel se trouvent un petit parc et une salle polyvalente destinée à abriter tous types d’activités adressées aux habitants. Un local est même prévu pour accueillir une association qui s’attache à organiser des activités, notamment à destination des personnes âgées.

Au centre une salle dédiée à la cohésion sociale

Les avantages de ce complexe ne se résument pas à la qualité de vie qu’il apporte. C’est aussi un bâtiment très économe en énergie et respectueux de l’environnement. Les matériaux utilisés sont « écologiques » et les murs à haute inertie thermique contribuent à préserver une température agréable à l’intérieur en hiver comme en été (sans climatisation, ce qui est rare pour la région). L’emplacement des arbres plantés autour a également été réfléchi de manière à offrir une ombre précieuse l’été sans cacher le soleil l’hiver (feuilles caduques). L’utilisation de la lumière naturelle est optimisée et un système de récupération des eaux pluviales permet l’arrosage des jardins. Des panneaux photovoltaïques alimentent en électricité les ascenseurs, les systèmes d’arrosage et d’éclairage des parties communes. Le système de chauffage collectif utilise une chaudière au gaz à condensation, de 15 à 20% plus efficace que les chaudières traditionnelles. Tout ceci contribue à obtenir un habitat à basse consommation (50 à 60 kWh/m2/an soit environ 4 fois moins que les anciens logements)

Idéal pour les réunions de voisinage

Un autre aspect inhérent à ce projet est le fait que l’ensemble des travaux a servi de modèle aux étudiants de l’institut technique du bâtiment de Rimini qui ont pu suivre l’évolution de la construction (de 2003 à 2006). Ils ont matérialisé leurs acquis en rédigeant un guide dédié à l’éco-construction.

La lumière naturelle favorisée

C’est dans le cadre d’un nouveau programme pour la réfection de l’habitat social lancé par le Ministère des Travaux Publics que ce projet a vu le jour. Les fonds du Ministère, de la région Emilia Romagna et de la compagnie de l’habitat de la province de Rimini ont permis son financement.

Les éco-matériaux à la fête (dont le bois ici)

Les avantages de ce complexe sont doubles pour ses habitants : il leur apporte confort de vie, favorise la solidarité et la rencontre entre personnes. Il évite l’isolement chronique dans lequel sont enfermées certaines (notamment les personnes âgées). Il leur permet aussi de réaliser des économies sur leurs factures énergétiques. L’inconvénient important de ce projet a été la période de transition. Il a en effet fallu reloger tout les résidents temporairement, ce qui n’était pas aisé. C’est un point qui a été traité avec beaucoup d’attention et qui a donc pris beaucoup de temps.

Les apports de l’implication de Rimini dans le projet BELIEF

BELIEF promeut le concept de “Communautés énergétiquement durables” à l’échelle européenne. Il encourage la mise en place de forums locaux sur l’utilisation intelligente de l’énergie dans 20 municipalités de 11 pays européens, incluant des représentants des nouveaux pays membres et des pays candidats. En France : Rennes, Grenoble et Dunkerque participent au projet. Chaque municipalité a aussi pour mission de mettre en place une équipe chargée de l’établissement d’un plan d’action pour la gestion durable de l’énergie. Celui-ci est accompagné d’un plan de financement prévoyant les ressources nécessaires à la mise en place des initiatives et activités.

La ville vaut le coup d'oeil

Les informations, exemples à suivre, résultats, méthodologies et outils sont partagées avec les autres villes.

Le département environnement de Rimini, auquel appartient la section énergie, a ainsi mis en place quatre forums depuis 2006. A chaque fois, au moins 40 personnes étaient présentes. Le forum qui a connu le plus grand succès a attiré plus de 100 personnes. Il portait sur « les ressources financières pour une utilisation intelligente de l’énergie ». Il a été organisé afin d’assurer la diffusion du savoir et de la connaissance sur les moyens financiers pouvant contribuer à l’établissement de mesures d’efficacité énergétique et de structures d’utilisation des énergies renouvelables. De nombreux acteurs publics et privés étaient présents : représentants de la municipalité, fournisseurs d’énergie, banques et ESCOs, représentants d’écoles primaires, associations. Des engagements ont été pris par ces acteurs à l’issue du forum, qui a ainsi débouché sur des mesures très concrètes. Par exemple, 3 ESCOs s’engagent à fournir des audits énergétiques gratuits pour des hôtels afin d’augmenter leur efficacité énergétique. De même, l’administration s’engage à remplacer sa chaudière au gasoil par une chaudière à condensation au gaz. D’autre part, des ressources financières pour l’administration seront obtenues grâce à la vente de certificats blancs et les économies d’énergie. Ce forum a été un véritable succès.

Rimini et ses allures de vacancière n’est pas uniquement une ville festive. La ville se distingue aussi par sa volonté d’utiliser intelligemment l’énergie et ainsi dans le même temps lutter contre le changement climatique. Si sa tâche pour atteindre un statut de ville sobre en énergie est extrêmement ardue du fait de son succès touristique, elle n’y renonce pas en choisissant de prendre le chemin de la durabilité.

mardi 19 février 2008

Un vecteur d’avenir : l’enfant

Notre venue à Salerno a été l’occasion de découvrir la stratégie de communication de la ville concernant des enjeux parfois peu connus de la population car peu ancrés dans les cultures. C’est le cas du monde de l’efficacité énergétique par exemple. La municipalité de Salerno a pris en main son rôle de pédagogue auprès de ses citoyens. Ainsi, elle a mis en place le programme : les 4 A. A comme « Toward class A », A comme « Alimentation » ou encore A comme « Art ». Pendant quatre ans, chaque année, la municipalité choisira un sujet et en fera le thème central autour duquel réfléchiront les 49 écoles de la ville. En sensibilisant les enfants, la municipalité entend sensibiliser toute la population de la ville. Elle considère les enfants comme de futurs citoyens mais aussi comme de formidables vecteurs d’information pour les adultes pour qui les clichés ont souvent la peau dure.

Agréable Salerno

En 2007, c’était l’année de l’énergie avec « Toward Class A », le programme utilisant l’outil Display®.

Une entrée en matière professionnelle

Pour commencer cette campagne de sensibilisation, Giancarlo Savino est intervenu dans toutes les écoles de la ville pendant 1 heure. Durant cette heure, il s’est attaché à faire comprendre les enjeux que représente la maîtrise de l’énergie pour ralentir l’épuisement des ressources fossiles et le réchauffement climatique. En utilisant le poster Display® de leur école, il a ensuite expliqué aux élèves comment ils pouvaient agir à leur niveau, en réduisant leur consommation d’énergie et d’eau par de petits gestes du quotidien. Eteindre les lumières inutiles, fermer le robinet quand on se brosse les dents, ne pas laisser d’appareils en veille lorsque ce n’est pas nécessaire… Les enfants ont compris et même rajouté qu’ils arrêteraient de se raser avec des rasoirs électriques (pour ça, vous n’êtes pas obligé de nous croire).

Des enfants incollables dans le domaine de l'énergie

Un concours d’économie d’énergie

Mais Giancarlo et les enfants n’allaient pas s’arrêter là puisque pour toute l’année 2007 allait être lancer le « Gioca al Risparmio » ou « Grand jeu des économies d’énergie ». Ce jeu a poussé joyeusement les enfants à la recherche des gaspillages d’énergie électrique de leur école toute l’année afin de réaliser des économies. En réalisant des affiches, plaçant des autocollants près des interrupteurs, exposant leurs œuvres d’art à thème sur les murs de l’école, composant des poèmes, les enfants allaient donc se lancer à la chasse au gaspillage.

Du coloriage pour moins de gaspillage

Ce jeu allait même faire l’objet d’un concours des plus importantes économies entre les 49 écoles de la ville. Le vainqueur remportera 100 ampoules basse consommation pour son école, mais toutes les écoles gagneront la moitié des bénéfices des économies réalisées dans leur école grâce à un contrat passé avec la municipalité (qui paie les factures). Elle pourront investir cet argent dans du matériel générateur d’économies (panneaux solaires, ampoules basse consommation, mitigeurs à eau, …).

De la neige aux palmiers

Des résultats épatants

A l’aube de l’annonce des résultats (il manque les mesures de décembre 2007), Giancarlo avait déjà pu constater les effets de cette campagne. Le premier (pour les amateurs de chiffres ou d’argent) : 20 000 € d’économie en électricité pour 2007… Voilà une nouvelle preuve de l’influence des comportements sur les consommations. Ensuite, des centaines ou milliers d’enfants qui ont adopté des gestes plus malins. Mais aussi, un public adulte touché. Giancarlo nous a raconté avec émotion cette histoire rapportée par un père d’élève dont le fils venait désormais tout près de son père pendant qu’il se rasait … pour couper le robinet dès que son père n’en avait plus besoin !

Rouge ou vert, gare aux inutiles lumières

Quelle suite pour cette action ?

Aussi géniale que soit cette opération, elle est lourde à mettre en place, et Giancarlo ne pourra pas tous les ans consacrer un mois aux interventions dans les classes. C’est pourquoi, elle ne sera pas renouvelée telle qu’elle ou pas tous les ans. Cette année, l’accent sera donné sur l’alimentation. Ce sont des professionnels de la restauration, ou des intervenants des entreprises agro-alimentaires de la région (pâtes et produits laitiers notamment) qui se rendront dans les classes cette année 2008.

Amalfi, coin de paradis

En attendant, Giancarlo renouvellera l’affichage des 49 posters Display® 2007 avec les évolutions qu’elles comportent (pour un montant de 300 €), notamment en terme d’économie d’eau, puisque l’affichage a permis d’identifier de gros problèmes de fuites d’eau dans de nombreux bâtiments. Elles serviront de base à une sensibilisation peut-être moins forte même si Giancarlo compte sur les instituteurs et institutrices, maintenant mieux sensibilisés, pour continuer à encourager les économies d’énergie.

Ensuite, plus ponctuellement, d’autres interventions sont envisageables, comme celle qui a eu lieu lors de l’installation des panneaux photovoltaïques sur l’école Mateo Mari. En effet, sur le toit de cette école, des barrières et un escalier ont aussi été fixés afin de permettre aux enfants d’accéder occasionnellement sans danger à l’installation. Une riche idée, qui si elle est reconduite pourrait profiter à de nombreux enfants puisque 11 écoles supplémentaires devraient s’orner de panneaux photovoltaïques prochainement.

Des panneaux accessibles aux enfants : quelle bonne idée !

Quant à Giancarlo, il a beaucoup aimé cette campagne et regrette déjà ses interventions avec les enfants, très réceptifs selon lui : « Per me i bambino sono come delle spugne assorbono tutte le informazion » c’est-à-dire « pour moi, les enfants sont comme des éponges qui absorbent toutes les informations ». Ce qui signifie aussi pour lui qu’il faut être très vigilent quand on travaille avec les bambini.

Pêcheurs d'Islande ?

Sensibiliser les enfants aux enjeux de l’énergie et du changement climatique, c’est contribuer à en faire des citoyens informés et éclairés sur le monde. C’est aussi un moyen d’atteindre un public plus large puisqu’ils pourront aussi en parler dans le cadre familial. C’était l’objectif de Salerno et Giancarlo. Ce sera aussi le nôtre à partir de septembre sur le territoire de la Communauté Urbaine du Grand Nancy, puisque nous voulons faire profiter de notre voyage et de notre expérience à ces enfants.

samedi 16 février 2008

Salerno et son actualité solaire

Notre voyage de deux jours pour atteindre l’Italie nous a permis de tester le train de nuit bulgare, le bus grec, le ferry méditerranéen et le train italien. Nous avons quitté Sofia, traversé la Grèce puis la mer Adriatique pour atteindre Brindisi en Italie d’où nous avons pris un train qui nous a conduit dans la très belle ville de Salerno.

Cette ville d’environ 140 000 habitants se situe sur la côte Ouest de l’Italie dans une région montagneuse. Naples n’est qu’à une heure et la célèbre cité de Pompéi à 30 minutes. C’est ici que nous avons rencontré M. Giancarlo Savino, responsable énergie pour la municipalité, mais aussi responsable de la sécurité au travail et de la sécurité incendie. Pour le domaine de l’énergie, il est responsable du bon fonctionnement des équipements et de la mise en place de projets. La ville se sent concernée par la problématique énergétique et communique à ce sujet. L’une des conséquences en est son adhésion à Energie-Cités fin 2006.

Salerno unit mer et montagne

Nous avons pu parler de plusieurs projets au cours de notre visite, notamment en terme de communication (sujet du prochain article), mais nous considérons qu’à la une de l’actualité énergétique de la ville se trouve le photovoltaïque.

Des ingrédients prêts

En effet, pour commencer, le gouvernement italien a mis en place il y a quelques mois un système d’incitation à l’investissement très avantageux garantissant un revenu fixe par kWh produit pendant 20 ans (environ 0,36 €/kWh, variable selon le degré d’intégration au toit) en plus des bénéfices de la revente de l’électricité. Ensuite, Giancarlo Savino est passionné par la problématique énergétique et porte un grand intérêt pour les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie. De plus, la ville bénéficie d’un excellent ensoleillement. Enfin, les élus de la ville sont très intéressés par le photovoltaïque, ce que nous avons constaté notamment lors d’une discussion avec Madame le vice-maire.

Giancarlo Savino et ChallenGES Tour

Ces quatre ingrédients judicieusement mélangés permettent à la ville de réfléchir à la mise en place de plusieurs projets d’envergure dans le photovoltaïque.

Rappel : le photovoltaïque permet de convertir de l’énergie solaire en électricité. A ne pas confondre avec le solaire thermique utilisé pour le chauffage de l’eau.

Un premier projet démonstratif

La première et seule installation photovoltaïque installée par la ville a été mise en place sur le toit de l’école Mateo Mari en 2006. A l’époque, le système d’incitation de l’état n’existait pas. Cependant, une autre structure administrative, la province de Salerno, a supporté le lourd investissement que le projet représentait (200 000 € environ) à hauteur de 75 %. Lourd investissement car en effet, le photovoltaïque est très cher et dispose d’un temps de retour sur investissement très long (plus de 20 ans sans interventions). C’est pourquoi il existe des mécanismes incitatifs mis en place par différents pays européens. L’installation a une puissance de 20 kW et permet de produire 20 MWh/an environ. Ce projet a été utilisé pour sensibiliser les enfants de l’école notamment (nous en parlerons dans le prochain article) et a offert une première expérience à la ville dans le secteur, avant d’envisager deux autre projets de grande envergure…

Sur le toit de Mateo Mari

Un grand projet sur les toits de la ville

Le premier des deux projets à l’étude est la couverture des toits de 14 bâtiments municipaux (dont 12 écoles) par des panneaux photovoltaïques. L’étude de faisabilité a été réalisée par M. Giancarlo Savino à l’aide notamment de l’outil Google Earth et de sa bonne connaissance des bâtiments municipaux. L’ensemble du projet aurait une puissance de 800 kW et permettrait donc de produire 800 MWh par an. La difficulté actuelle réside dans le financement de l’investissement qui s’élève 5,4 millions d’euros et qui ne peut pas être pris en charge raisonnablement par la municipalité. Mais financièrement, cet investissement est très intéressant et intéresse déjà des sociétés que Giancarlo rencontre actuellement. En effet, au bout de 20 ans, les revenus de la production d’électricité s’élèveront à plus de 10 millions d’euros !

C'était carnaval

Quand le gigantisme s’applique au photovoltaïque

Ensuite, la municipalité et Giancarlo ont souhaité exploiter une surface inutilisée (et inutilisable pour l’agriculture) qu’elle détient pour la production d’énergie renouvelable. Dans un premier temps, Giancarlo avait pensé à l’énergie éolienne. Des mesures ont été réalisées dans la zone pendant 2 ans. Il s’est avéré que le potentiel de la zone ne permettait pas une exploitation rentable (mesuré en nombre d’heures de bon vent par an par exemple). C’est alors que le nouveau programme d’incitation est apparu et a suggéré l’idée d’une grande centrale photovoltaïque…

Vous avez dit « grande » ? Erreur ! « C’est un pic, c’est un roc, c’est un cap ! Que dis-je ? Un cap ? C’est une péninsule ! »

Bon, … une gigantesque centrale photovoltaïque de 300 000 m² installés sur une surface de 110 ha ! Pour une puissance de 15 MW !

Cependant, ce projet n’est pas encore réalisé et Giancarlo devra également trouver un moyen de le financer. Mais un tel projet montre bien l’ambition et l’enthousiasme de la ville italienne pour les énergies renouvelables.

Que nous réserve l'avenir ?

Après une entrée discrète dans le monde du photovoltaïque, la ville de Salerno va probablement s’y ancrer et pourrait même devenir une ville exceptionnelle dans ce domaine. On peut ici remarquer l’intérêt d’une première expérience, permise en partie par l’incitation de la province, qui donne de la suite dans les idées (notamment du côté des élus). Et si ces projets se concrétisent, Salerno pourrait devenir un exemple remarquable du rôle que peuvent jouer les autorités locales dans le développement des énergies renouvelables…

mardi 5 février 2008

Bulgarie, des acteurs de poids

Nous n’allons pas vous le cacher : nous avons quitté la Bulgarie pour rejoindre des cieux plus cléments (d’un point de vue météorologique) en Italie. Mais avant de quitter ce pays, nous nous sommes rendus à Sofia quelques jours afin d’y rencontrer quelques uns des acteurs importants oeuvrant pour l’efficacité énergétique en Bulgarie. Il s’agit de l’organisation EnEffect, du réseau EcoEnergy et du Fond Efficacité Energétique de Bulgarie. De part la densité de leurs activités et la complexité du contexte bulgare, chacun de ces acteurs justifierait un article. Cependant pour que l’actualité ne s’éloigne pas trop de ce blog, les informations seront ici condensées.
La neige resistait encore un peu a Sofia

En Bulgarie, les trois obstacles principaux se dressant sur le chemin vers l’efficacité énergétique sont institutionnel, financier et dus à un défaut de connaissances. Voici une présentation de trois acteurs importants qui, chacun à leur façon, contribue à surmonter ou éliminer ces obstacles.

Vous remarquerez aussi qu’en Bulgarie, la question énergétique est presque toujours traitée en utilisant l’expression « efficacité énergétique ». Nous avons l’ambition d’expliquer ces termes assez intuitifs mais difficile à définir car s’appliquant à différentes échelles.

EcoEnergy, un réseau qui marche

C’est en 1997 que les maires de 23 villes bulgares fondent le réseau EcoEnergy avec notamment le soutien financier de l’USAID. L’idée de départ était de partager les expériences de chacun dans le domaine de l’efficacité énergétique. Aujourd’hui, cet objectif s’inscrit dans une démarche plus globale dont voici les principales actions :

- Aider les municipalités membres à identifier des sources d’économies d’énergie (ex. : diffusion d’un programme de monitoring des consommations énergétiques) puis à formuler des plans d’efficacité énergétique

- Assister les échanges d’expériences de projets dans le domaine de l’efficacité énergétique entre les villes membres (ex. : mise à jour d’une base de données, organisation d’évènements réunissant les villes membres)

- Contribuer au développement des capacités institutionnelles et humaines capables de développer et gérer des projets et programmes qui relèvent du domaine de l’efficacité énergétique (ex. : organisation de formations, tenue de conférences)

- Collecter et diffuser les informations sur les innovations technologiques ou institutionnelles (comme les ESCO) (ex. : à travers des conférences, évènements, la newsletter mensuelle)

- Encourager les efforts communs des villes visant à influencer la politique de l’état quant à la mise en place de fonds spéciaux pour le financement de projets d’efficacité énergétique municipaux

La Cathedrale de Sofia

Aujourd’hui, 41 villes sont membres de ce réseau (dont 18 à travers l’association des villes du Danube, membre collectif). C’est EnEffect qui assure le secrétariat du réseau et en particulier Kalinka Nakova, notre interlocutrice principale en Bulgarie (c’est aussi elle qui a organisé notre séjour dans ce pays en collaboration avec les villes membres). Ce réseau est actif et fonctionne bien. Ses activités sont financées principalement par le projet « Stratégie pour l’Efficacité Energétique pour atténuer les émissions de GES » s’inscrivant dans le cadre du Programme de Développement des Nations Unies.


Kalinka et Hristo nous entourant

Un fond capital & efficace

« Pourquoi un fond ? Pour surmonter l’obstacle financier pardi » nous direz-vous, et bien pas seulement.

C’est en 2004 qu’est décidé la création du Fond Efficacité Energétique de Bulgarie alors que l’Acte pour l’Efficacité Energétique est adopté par le parlement bulgare. Le capital de départ provient d’un programme de la Banque Mondial (10 M$), du gouvernement autrichien (1,5 M€), du gouvernement bulgare (1,5 M€) et des dons de plusieurs compagnies bulgares.

Ce fond fournit tout d’abord une assistance technique aux entreprises, municipalités et particuliers qui développent un projet d’investissement pour l’amélioration de l’efficacité énergétique. Cette assistance consiste en un contrôle de l’audit énergétique et un contrôle technique et financier du projet. Ensuite, si le projet soumis est approuvé, le fond apporte son soutien financier :

- soit en finançant tout ou partie de l’investissement avec un taux d’intérêt très bas (2 à 3 % contre 6 à 7 % pour une banque commerciale)

- soit en apportant la garantie auprès d’une banque nécessaire à l’obtention d’un crédit


Une petite place

Le mode de gérance de ce fond est très particulier. Il réunit des partenaires privés et des partenaires publics (représentants de ministères et de l’agence nationale de l’énergie) pour les grandes orientations et est géré par un consortium de trois acteurs privés pour la gestion journalière. Ce consortium est constitué de la compagnie de consultance canadienne Econoler et d’EnEffect notamment.

Les RESULTATS : le fond a commencé à fonctionner le 1er janvier 2006. Au 30 juin 2007, 26 projets avaient été approuvés et 24 financés pour un montant de 4,2 M€. Pour ces projets, 179 tonnes d’équivalents pétrole étaient économisées par an pour 3117 t CO2. Jusqu’aujourd’hui, tous les projets ont été des succès et aucun problème de remboursement n’est à dénoter. Ce fond présente l’avantage d’être flexible (la durée du contrat peut être allongée en cours si nécessaire et justifié, le remboursement intégral plus rapide est aussi possible).

Une limite importante à l’acceptation des projets est leur court temps de retour sur investissement (<5>. Une autre limite qui est aussi son atout, c’est le haut niveau de contrôle des projets qui nécessite un haut degré d’aboutissement des dossiers.

L’obstacle financier peut ainsi être franchi. Mais ce fond apporte aussi un soutien au défaut de connaissance par son expertise technique et financière ainsi que grâce à la diffusion du catalogue des projets déjà approuvés. Enfin, il encourage l’implication de nouvelles institutions en incitant (par des contrats notamment) de nouvelles banques à financer ce type de projet et en réalisant des projets avec de nouvelles compagnies (nouvelles ESCO).

Curiosite : les magasins bas ou souterrains


EnEffect : un centre influent

Et enfin voici un acteur central de la promotion de l’efficacité énergétique en Bulgarie auprès des autorités locales et centrales. Fort de ses 15 experts (ingénieurs, économistes, architectes…), le centre pour l’efficacité énergétique EnEffect, créé en 1992, agit sur différents terrains afin de surmonter les obstacles barrant l’accès à une utilisation plus efficace de l’énergie.

Ainsi, d’une part, afin d’améliorer la connaissance des acteurs travaillant en connexion avec l’énergie (employés municipaux, industriels, architectes etc.), EnEffect organise entre autres des formations au management énergétique. Il propose une aide à la production d’un plan municipal d’efficacité énergétique. Le centre réalise aussi des outils de travail. On peut citer le logiciel de monitoring énergétique, qui a permis par exemple à la ville de Svishtov de débusquer des sources d’économies d’énergie de certains de ses bâtiments municipaux et d’entreprendre des travaux de rénovation. Ce logiciel est distribué par EcoEnergy. Et avec cet outil, une assistance technique complète est proposée, EnEffect centralisant les données de consommation énergétique de toutes les villes dotées de ce logiciel. Le centre fait aussi office de relais entre les projets européens destinés aux villes européennes et les villes bulgares. Ces dernières en sont informées et peuvent être aidée dans la constitution de projets. Elles ont accès à des fonds, qui peuvent aider à surmonter la barrière financière.

D’autre part, le centre cherche à enrichir le système institutionnel afin de faciliter l’accès à l’efficacité énergétique. Par exemple, un des problèmes en Bulgarie pour la rénovation de l’habitat particulier est que chacun des propriétaires d’appartements dans un immeuble investit indépendamment et en ordre dispersé dans des travaux de rénovation. Or techniquement c’est une aberration car si les pertes sont réduites au niveau des surfaces rénovées, elles vont s’amplifier par les autres appartements non isolés, annihilant ainsi les effets de l’investissement.

Pour encourager l’investissement collectif, beaucoup plus efficace, EnEffect a contribué à la proposition de loi accordant aux associations de propriétaires le droit de contracter un crédit. Cette loi va être votée dans un mois.

Le centre contribue à la création et au développement de structures nouvelles dans le paysage de l’efficacité énergétique. Elle a coopéré au développement des partenariats public privé en encadrant des projets pilote. C’est le cas par exemple du contrat entre la ville de Lom et la firme ESCO Enemona, concernant la rénovation thermique d’un bâtiment public. Cf un article récent

EnEffect, EcoEnergy et Energie-Cités collaborent en Bulgarie sur plusieurs projets. Actuellement, le projet Display rencontre un certain succès (31 villes participantes, 2ème pays après la France) en particulier au sein du réseau EcoEnergy. Une personne d’EnEffect fait partie de l’équipe du projet. Le projet MODEL est coordonné en Bulgarie par EnEffect. 5 villes (dont Smolyan d’EcoEnergy) prennent part comme villes pilotes au projet. Ce projet prévoit entre autres d’encourager la mise en place d’une stratégie énergétique municipale et la création d’un poste de responsable de la gestion énergétique dans la commune. Ce projet vient d’être récompensé par la Commission Européenne comme projet le plus prometteur. Vous trouverez ici un lien pour un article plus complet.

Bonjour Messieurs

Ces trois acteurs ont eu, ont et auront un rôle capital à jouer pour la promotion de l’efficacité énergétique en Bulgarie. Mais ceux-ci pourront faire des pieds et des mains, la situation n’évoluera que si tous les acteurs, et en particulier les consommateurs (particuliers, municipalités, entreprises) s’impliquent avec l’objectif d’améliorer leur utilisation de l’énergie. Ce qui est dans leur intérêt, tout comme dans celui de milliard d’autres personnes.

samedi 2 février 2008

La gazification à Pazardzhik : un pas en avant

Et pour finir notre série EcoEnergy, nous avons fait halte à Pazardzhik (prononcer « Pazardjik »). Située à 150 km de Plovdiv en direction de Sofia, elle se déploie en fond de vallée en bordure des Monts Rhodopes. Parmi ses 80 000 habitants, on compte la plus importante communauté Rom (mais bien sûr, il ne s’agit pas là de l’unique superlatif de cette ville, on peut aussi évoquer son théâtre, le plus grand de Bulgarie, pour les autres, il faudra qu’on y retourne…). C’est une ville colorée, où il fait bon se promener dans ses rues piétonnes animées.

Le bâtiment de la mairie permet une vision d'ensemble de la ville

C’est aussi une ville qui a pris tôt en main sa gestion de la protection de l’environnement (dans le référentiel bulgare). Ainsi, c’est la première ville bulgare de cette taille à avoir mis en place un plan de gestion de l’environnement sur le long terme (ce dernier point est justifié notamment par le long temps de retour sur investissement des équipements environnementaux). Un département environnement d’une petite dizaine de personnes est très actif et met en place de nombreux projets afin de sensibiliser la population à cette question. De plus, est employé depuis une dizaine d’année, un chef expert en efficacité énergétique, Emilia Deliradeva, qui œuvre en collaboration avec les autres services techniques. La préoccupation de la question énergétique à Pazardzhik a été précoce. La ville faisait partie des fondatrices du premier réseau de ville à vocation d’échanges de bonnes pratiques dans le domaine énergétique qui est devenu EcoEnergy. Depuis, elle a aussi adhéré à l’association Energie-Cités (l’une des 2 villes en Bulgarie avec Sofia, EcoEnergy en est un membre collectif).

L’arrivée en 1996 du gaz naturel dans la ville a constitué une opportunité pour la ville. L’année suivante, Pazardzhik projetait de procéder à la conversion gasoil/gaz naturel des installations de chauffage de ses bâtiments publics en plusieurs années. C’est le processus de conversion et son intérêt qui va nous intéresser ici.

Des rues animées

Le gaz naturel, un choix meilleur

La ville étant située en fond de vallée, son air se renouvelle moins facilement. Les gaz et particules polluantes émises dans l’air dans la ville s’accumulent donc facilement. Or, la combustion du gasoil (à des fins de chauffage, de transport, …) est une source importante de pollution de l’air contrairement à celle du gaz naturel. Dans ce cas, la conversion est nécessaire pour des raisons de santé publique et environnementales. D’un point de vue économique direct (c’est-à-dire sans prendre en compte les effets indirects comme ceux sur la santé publique ou l’environnement), le gaz s’avérait aussi plutôt avantageux pour la ville. Enfin, le gaz naturel présente des avantages en termes d’efficacité énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre par rapport au gasoil.

Le point de rencontre de la ville

Le gaz naturel, un meilleur candidat en terme d’émissions de gaz à effet de serre

Le gaz naturel présente plusieurs avantages en terme d’efficacité énergétique par rapport au gasoil. Nous allons réaliser ici une comparaison superficielle de leur « cycle de vie » de l’extraction à l’utilisation finale.

- Extraction : L’extraction de pétrole, matière très dense et visqueuse, est plus coûteuse énergétiquement que celle du méthane, gazeux, contenu dans des cavités souterraines. Avantage gaz.

- Transport : Une nouvelle fois, la densité et la viscosité du pétrole en font une matière contraignante à transporter. Pour le gaz c’est plus simple (gazoduc). Nous ne nous étendons pas trop sur ce point par manque d’informations (le pétrole ou ses produits sont transportés de différentes façons). La densité énergétique du gasoil est plus importante (1 kg contient plus d’énergie qu’1 kg de gaz, donc il est nécessaire de transporter un peu moins de ce produit que de gaz pour une consommation d’énergie finale constante). Malgré ce dernier point : avantage gaz.

- Transformation : le gaz ne nécessite pas de transformation, le pétrole est raffiné, ce qui est coûteux énergétiquement. Avantage gaz.

- Combustion : c’est l’étape qui concerne directement le consommateur en général, les autres lui sont indirectement liées. L’efficacité énergétique des chaudières à gaz et celle des chaudières à gasoil est sensiblement la même pour les équipements les plus récents, mais la combustion du méthane est plus complète (seulement des liaisons C-H). L’efficacité énergétique (rapport de l’énergie récupérée par la réaction chimique sur l’énergie chimique potentielle récupérable avec une réaction parfaite) de la réaction de combustion est supérieure pour le gaz. Avantage gaz.

Finalement, par ses différents avantages à chaque étape, le gaz est une ressource énergétique présentant une efficacité globale supérieure. Ceci peut se traduire en terme d’émissions de gaz à effet de serre : la littérature annonce -45 % pour le gaz (à quantité d’énergie finale utilisé identique), rien que ça !

Voilà présentés les intérêts d’une conversion vers le gaz naturel. Voyons maintenant les modalités de celle-ci à Pazardzhik.

Scène de vie

Un processus de conversion optimisé

Etape par étape, le processus de mutation a vu le jour, le contexte économique et énergétique variant au cours des années.

A Pazardzhik, la conversion est intervenue dans les années qui ont suivi l’arrivée du gaz pour les raisons évoquées plus haut. Comme Rome, elle ne s’est pas faîte en 1 jour. La ville a utilisé différents moyens pour financer cette transition selon les opportunités et sa santé financière.

Trois étapes conduisirent à la conversion de 65 des 67 bâtiments communaux. Lors de la première, en 1998, 41 bâtiments essentiellement scolaires ont été concernés. L’investissement de 450 000 €, a été assumé par la firme, et celle-ci a été remboursée par la ville progressivement pendant les 5 années qui ont suivi. Mais aucun contrat particulier n’a été scellé entre les deux parties. C’est un simple crédit que la firme a accordé à la ville, les deux partis n’ayant pas mis en place un réel partenariat public/privé, ou alors dans une forme très simple et commune. Lors de la seconde étape, en 2000, c’est en répondant à un appel à projet proposé par la Suisse, que la ville se vue accorder la somme de 160 000 €. Celle-ci correspondait à l’investissement dans la conversion de 19 autres bâtiments. La troisième série de conversion, en 2002, a simplement été financée par des crédits bancaires, et a permis la conversion de 5 bâtiments, avec un investissement de 83 150€.

Et bien sûr les deux bâtiments publics réfractaires (installation sportive, lycée) ne le seront plus pour longtemps, puisque leur conversion pour le gaz aura lieu cette année 2008.

Les services urbanismes en particulier sont aux derniers étages...

La tendance à la conversion gasoil/gaz se fait sentir aujourd’hui dans la plupart des villes bulgare. Même si il ne s'agit pas un remède miracle, on peut accueillir cela comme une bonne nouvelle pour de nombreux aspects. Cependant, Pazardzhik est l’unique ville que nous avons étudiée aussi avancée dans ce processus. La ville a su pour cela diversifier ses sources de financements. Nous avons pu constater son savoir faire en terme de financement de projets à finalité d’efficacité énergétique pour deux autres projets : l’élaboration d’un business plan robuste pour la rénovation de l’éclairage public (qui a permis d’obtenir un crédit d’une banque, crédit qui fut même étendu) et la mise en place d’un véritable partenariat public privé avec la firme ENEMONA (inévitable) qui est en cours pour la rénovation thermique de 7 écoles maternelles de la ville.

lundi 28 janvier 2008

L'hôtel aux mille et un soleils

Enfin décidés à quitter le Danube nous avons repris le train. Nous avons passé quelques jours chez Stoyan, notre ami de Plovdiv rencontré à l’ENSAIA afin d’approfondir notre connaissance de la culture bulgare et avant de poursuivre la série EcoEnergy. Après des épisodes nordiques, en voici un nouveau qui prend comme décor la ville de Smolyan. Située au Sud des Monts Rhodopes, près de la frontière grecque, cette ville s’étend en fond de vallée, de ses 14, 28 ou 40 km de long selon les sources. Nous n’avons pas eu l’occasion d’évaluer cette longueur par nous-même, mais toujours est-il qu’il s’agit de la plus longue ville du pays. Et c’est là que nous avons retrouvé le soleil, et le sol qui n’était plus recouvert d’un mètre de neige.

Smolyan dans sa vallée

La ville de Smolyan, située au cœur des montagnes, dispose d’un fort potentiel touristique. Ce secteur occupe une place importante dans la stratégie de développement de la ville et sera axé autour du tourisme vert. Smolyan a aussi engagé une politique durable de la gestion de l’énergie, avec la création d’un poste d’expert en efficacité énergétique. Ceci est remarquable pour une ville de 80 000 habitants et où 143 personnes travaillent pour la mairie. De plus, elle fait partie des 5 villes pilotes pour le projet MODEL en Bulgarie. Il s’agit d’un projet lancé par Energie-Cités et ses partenaires qui consiste à faire de la ville un modèle pour ses citoyens en matière de gestion énergétique. Les villes participantes font partie des nouveaux pays membres de l’UE. Quelques villes comme Smolyan se sont engagées pour montrer l’exemple aux autres villes de leur pays.

Stoyan et sa famille qui nous ont accueilli à Plovdiv

Mais ce qui va faire l’objet de cet article est la démarche innovante en matière de gestion de l’énergie entreprise par le manager d’un bel hôtel, l’hôtel Makrelov. Celle-ci nous intéresse car elle constitue un exemple de l’engagement du secteur privé dans la construction d’un avenir énergétique et climatique durable.

Les rouages d’une démarche vers la classe A

En 2003, le manager de l’hôtel souhaite agrandir son hôtel tout en rénovant les parties anciennes. Connaissant l’opportunité de cofinancement de ce type de projet par la Commission Européenne, il décide de construire un projet de rénovation permettant de prétendre à l’obtention de fond à travers le programme SAPARD. Ce programme imposait notamment des contraintes en matière d’efficacité énergétique. Le projet ayant été retenu, les travaux ont commencé, assuré d’un soutien financier de la Commission. Achevé en 2006, le projet se vit octroyer un montant correspondant à 20% de l’investissement, qui s’est élevé à 600 000€.

L'hôtel Makrelov

Son toit est désormais orné de 6 panneaux solaires qui permettent de chauffer 1200 L d’eau à 55°C en une journée ensoleillée d’été (oui, le titre de l’article, c’était pour ça, vous trouvez qu’on en fait trop ?). C’est une chaudière à bois qui approvisionne l’hôtel en chaleur l’hiver et épaule si nécessaire les panneaux en été. Le propriétaire projette, quand les finances le lui permettront, d’installer 6 autres panneaux. Enfin et surtout, doté maintenant d’une très bonne isolation thermique des murs, fenêtres et toit, l’hôtel a atteint un degré d’efficacité énergétique élevé. A tel point qu’après un audit poussé, il s’est vu attribuer la certification d’efficacité énergétique de classe A.

Ce matin là, la brume a envahi la place

Quelles motivations ?

Mais pour le manager de l’hôtel, la démarche ne visait pas le moins du monde à apporter sa petite pierre à l’édifice d’un avenir meilleur. Non. Les arguments qui l’ont poussés à entreprendre celle-ci étaient purement économiques. En effet, l’octroi d’une subvention s’ajoute aux économies futures réalisées par les économies d’énergie et aux avantages fiscaux de la certification classe A. Et oui, nous ne l’avions pas encore dit mais celle-ci offre au bâtiment certifié une exonération de taxe d’habitation (ce qui constituait en 2007 pour l’hôtel une économie de 50 000 € environ) pendant 10 ans.

Smolyan est sur la bonne voie

L’implication de tous les secteurs est nécessaire pour s’assurer d’un avenir énergétique et climatique moins incertain. Le secteur privé a ses caractéristiques propres organisées principalement autour de la viabilité économique et de la logique financière. Constater l’investissement de ce secteur dans des mesures d’efficacité énergétique est une preuve qu’elles sont avantageuses économiquement (de part notamment les instruments économiques mis en place pour raccourcir le temps de retour sur investissement [c’est aussi une preuve de l’efficacité de ces derniers]). L’hôtellerie n’est pas très éloignée énergétiquement du secteur résidentiel (vos lieux d’habitation) à ceci près qu’il existe une incertitude d’occupation des lieux. Elle peut donc montrer à tous les voies pour parvenir à l’amélioration de l’efficacité énergétique et que celle-ci constitue souvent un investissement rentable. Le certificat étant un instrument très intéressant, il est un argument supplémentaire à l’investissement. Mais pour cela, il est nécessaire que l’information soit diffusée, ce qui est encore en phase de mise en place en Bulgarie.

Rappel de nos positions


mardi 22 janvier 2008

Budget limité - projets ambitieux : pas toujours incompatible en Bulgarie !

Voici la suite de la série bulgare EcoEnergy avec un épisode double qui concentre les aventures de deux villes, Belene et Lom, pour une seule intrigue.

La rue piétone de Belene sous près d'1 mètre de neige

Belene est l’une des plus petites municipalités de Bulgarie avec ses 12 000 âmes. Sa petite taille ne l’empêche pas d’être au cœur de l’actualité énergétique en Bulgarie. En effet, c’est dans cette commune que va se construire une centrale nucléaire dans les prochaines années. Prévue depuis deux décennies, ses travaux ont été maintes fois repoussés au changement de régime puis suite aux adaptations nécessaires aux normes européennes et au choix des investisseurs (qui devrait se terminer fin janvier). Mais nous ne développerons pas plus ce sujet que nous ne connaissons qu’assez peu finalement. Bordant le Danube (frontière naturelle avec la Roumanie), elle n’a pas développé d’activités portuaires du fait de la présence d’îles rétrécissant les voies navigables sur la portion de fleuve qui longe la ville. En revanche, ces îles offrent une grande diversité de flore et de faune, en particulier d’oiseaux migrateurs, qui ont justifié la création d’un parc naturel national. Celui-ci s’est en quelque sorte substitué à l’idée INAdaptée d’un port.

La place principale à Lom

Plus à l’Ouest (près de la frontière serbe) mais toujours sur le Danube, la ville de Lom abrite le 2ème port fluvial bulgare. La municipalité compte 5 villages autour de sa ville. Elle est très agricole, assez pauvre et est considérée par l’Etat comme n’ayant pas atteint un niveau de modernité élevé. En fait, à l’époque communiste, elle fut très industrielle mais après la révolution de 1989, la plupart des usines fermèrent mettant ainsi 80 % de la population active au chômage… Seule une brasserie assez connue en Bulgarie subsiste. Il n’est pas facile de s’en réjouir, mais l’EcoClub de l’une des deux écoles (7-18 ans) de la ville y trouve néanmoins un aspect positif : cela fait de la ville l’une des plus « propres » du pays… Maigre consolation.

M. Petar Dulev entouré de ses gorilles

Ces deux villes nous ont accueillis à elles deux un peu plus d’une semaine de la plus belle des façons. Nous avons pu rencontrer en particulier à Belene : M. Petar Dulev, le maire, Mme Margarita Pernikova (relation publique et autre fonction comme fréquemment dans ces petites villes où l’effectif de la mairie est réduit), et Dochka, une jeune bulgare émigrée à Morlaix (Bretagne) depuis 7 ans avec sa famille et en visite ici.

A partie de la droite : Douchka et Margarita

C’est elle qui nous a aidé à communiquer pendant ce séjour, car peu de personnes parlaient anglais lors de nos visites. A Lom, nous avons également rencontré Mme le maire, Penka Penkova alors que ce sont Rumyena Simeanova (du service « Programme Municipal de Développement ») et Silviya Ivanova (qui était ici interprète) qui ont été nos principales interlocutrices.

Mme Le maire de Lom, entourée de Rumiena à gauche et Silviya à droite

C’est ici que nous ont été présentés plusieurs exemples illustrant le partenariat public/privé dans le cadre d’une réhabilitation thermique de bâtiment public. C’est avec cette expérience acquise que nous pouvons maintenant parler de ce concept assez nouveau (du moins en Bulgarie) de contrat d’efficacité énergétique.

Des débuts remarqués à Lom

C’est à Lom que le premier contrat d’efficacité énergétique a été signé par une ville bulgare. La ville devait réaliser des travaux pour une école maternelle appelée « Chaperon rouge » et ses 180 chérubins. Du fait de l’absence d’isolation des murs et du toit et des fenêtres simplement vitrée en bois, il n’était pas possible pour les deux chaudières « antiques » d’assurer une température confortable dans les bâtiments en hiver. De son côté, la compagnie bulgare ENEMONA, spécialisée dans l’énergie, détenait des informations sur la ville et ses bâtiments. Elle souhaitait aussi dynamiser ses activités en se lançant dans un nouveau type de business, le contrat d’efficacité énergétique. Les compagnies qui proposent ce type de contrat sont appelées ESCO. Nous en avions déjà entendu parler à Brasov et très brièvement à Anderlecht.

Le collège de Belene ayant bénéficié d'un contrat ESCO

Un contrat à multiples facettes

Ce contrat prévoit que, lors d’une réhabilitation thermique, l’investissement de départ est réalisé uniquement par la firme. C’est aussi elle qui réalise les travaux. La ville paie ensuite pendant la durée du contrat sa facture énergétique (fortement réduite) et rembourse progressivement l’investissement sous forme de mensualités. L’établissement des termes du contrat est le résultat d’une équation complexe utilisant l’audit énergétique et intégrant les différentes contraintes de chaque partie ainsi que la contrainte de base du contrat, à savoir que le remboursement annuel est égal aux économies annuelles estimées. Autrement dit, la somme de la nouvelle facture (allégée) et du remboursement de l’investissement est à peu près égale à son ancienne facture énergétique (lorsque l’on ramène cette facture à l’année, car la facture varie d’une saison à l’autre).

Ce contrat est assez difficile ou long à expliquer. Cependant, ChallenGES Tour, qui n’a pas froid aux yeux, est prêt à relever le défi. Accrochez-vous !

Illustration

Voici un tableau issu de l’audit énergétique de la niche de Nestor le labrador, très peu efficace en énergie, quoique très cossu :


Dans le cas de cet habitat, comme dans celui de l’école qui a vu grandir le petit Chaperon Rouge, les signataires du contrat choisissent la combinaison de travaux qui répond le mieux à leurs critères.

Oublions un peu Nestor.

Ici les critères étaient :

Pour l’école :

- l’amélioration significative du confort des enfants et du personnel

- la réduction de la facture énergétique

- un retour sur investissement pas trop long (sans fixer de limites)

Pour la firme :

- la réalisation des travaux d’ampleur significative

- un retour sur investissement rapide (5 ans environ) notamment parce qu’il s’agit d’un projet pilote, et que des résultats sont attendus assez rapidement (afin de pouvoir reproduire ce type de contrat)

- l’implantation dans le décor de la ville (afin de remporter de futurs appels à projet)

Ainsi, dans l’école du chaperon rouge, l’investissement de départ fut de 57 500 €. Le toit et les murs ont été isolés (par l’extérieur), les chaudières remplacées, l’éclairage rénové, les vieilles fenêtres côté Nord remplacées par des fenêtres double vitrées en PVC, les autres ont été seulement réparées. Le contrat est signé pour une durée de 5 ans et 9 mois durant lesquels la ville va payer 840 €/mois et le montant de sa facture énergétique réduite.

A Belene, c’est une école de 700 élèves qui a fait l’objet d’un tel contrat l’été 2006. Les mêmes travaux ont été réalisé mais toutes les fenêtres ont été remplacées et un système automatisé (et relié par satellite à la firme installatrice) de suivi de la température et contrôle des chaudières a été installé. L’objectif est d’atteindre à la fin des travaux une consommation de 82 kWh/m²/an, ce qui est peu (surtout pour un vieux bâtiment).

Le Danube pour vous apaiser

Un résultat garanti

Une notion importante ici est la notion de résultat garanti pour la ville. C'est-à-dire que les deux parties se sont mises d’accords au début sur un taux d’économies d’énergie minimum à réaliser à travers les travaux. Par exemple, dans l’école concernée à Lom, la firme avait garanti 52 % d’économies d’énergie. L’école était donc assurée de ne pas payer plus de 48 % (en énergie) de son ancienne facture. Si tel était le cas, la firme aurait dû payer la différence. Dans un autre sens, l’objectif visé (l’estimation qui servait de base au contrat) était de 56 % d’économie d’énergie. Si cet objectif était dépassé, la ville s’engageait à verser le surplus d’économie à la firme. Ces transferts d’argent sont décidés lors des réunions d’une commission comprenant des membres des deux parties. A Belene, la firme a reçu un petit bonus en 2007 alors qu’à Lom, les résultats attendus ont été juste atteints.

Pour ajuster l’ampleur des travaux à réaliser, essayer d’optimiser ses bénéfices et pour permettre à la commission de prendre ses décisions, la firme contractante suit pendant la durée du contrat la consommation réelle du bâtiment avec l’aide d’experts de la ville.

Ancienne chaudière / nouvelle chaudière : qui est qui ?

Un contrat difficile à négocier qui a aussi ses limites

Vous l’aurez compris, l’estimation des économies d’énergies (et d’argent) constitue un enjeu crucial du contrat. Celle-ci est réalisée à la suite d’un audit énergétique réalisé en général par la firme contractante (ici ENEMONA). Mais comme l’ampleur de ses bénéfices dépend de cette estimation, elle ne doit pas être seule à réaliser l’audit. Ainsi, en général, des experts de la ville suivent cet audit de près afin de s’assurer de son impartialité. C’était le cas à Belene.

Le contrat a aussi ses limites en terme d’efficacité énergétique. Par exemple, à Lom, la firme souhaitait un contrat relativement court, ce qui a eu pour conséquence de limiter l’investissement de départ. Résultat : toutes les fenêtres n’ont pas été changées. Et cet investissement manquant ne sera pas réalisé de si tôt.

Une autre limite de taille est qu’il n’existe pas de législation (du moins en Bulgarie) qui encadre ce type de contrat scellant un partenariat public/privé. Or la ville n’est souvent pas suffisamment armée pour les négociations. Pour cela, il existe des experts en partenariat de ce type (de cabinets privés) mais ils sont très peu nombreux dans ce pays et c’est très cher. Nous avons eu la chance d’assister à une séance de négociation de ce type à Lom pour un projet relativement important de rénovation et de construction d’un réseau de chauffage à distance avec chaudière à paille. C’était en bulgare mais nous avons pu suivre le débat qui fut très intense. Lom était ce jour bien armé. La séance n’a pas abouti et a été reconduite…

Les bouts de chou ici sont maintenant à l'abri des hiver les plus froids

Malgré ses limites, ce concept est prometteur. C’est pourquoi nous avons souhaité en parler ici, quitte à y consacrer de nombreuses lignes. Difficile à négocier, ce type de contrat n’en reste pas moins la seule solution pour de nombreuses villes de rénover leurs bâtiments publics (écoles notamment). Ceci signifie respecter la loi, offrir un confort à ses citoyens, réduire (à terme) sa facture énergétique et réduire (immédiatement) ses émissions de gaz à effet de serre.