mardi 22 janvier 2008

Budget limité - projets ambitieux : pas toujours incompatible en Bulgarie !

Voici la suite de la série bulgare EcoEnergy avec un épisode double qui concentre les aventures de deux villes, Belene et Lom, pour une seule intrigue.

La rue piétone de Belene sous près d'1 mètre de neige

Belene est l’une des plus petites municipalités de Bulgarie avec ses 12 000 âmes. Sa petite taille ne l’empêche pas d’être au cœur de l’actualité énergétique en Bulgarie. En effet, c’est dans cette commune que va se construire une centrale nucléaire dans les prochaines années. Prévue depuis deux décennies, ses travaux ont été maintes fois repoussés au changement de régime puis suite aux adaptations nécessaires aux normes européennes et au choix des investisseurs (qui devrait se terminer fin janvier). Mais nous ne développerons pas plus ce sujet que nous ne connaissons qu’assez peu finalement. Bordant le Danube (frontière naturelle avec la Roumanie), elle n’a pas développé d’activités portuaires du fait de la présence d’îles rétrécissant les voies navigables sur la portion de fleuve qui longe la ville. En revanche, ces îles offrent une grande diversité de flore et de faune, en particulier d’oiseaux migrateurs, qui ont justifié la création d’un parc naturel national. Celui-ci s’est en quelque sorte substitué à l’idée INAdaptée d’un port.

La place principale à Lom

Plus à l’Ouest (près de la frontière serbe) mais toujours sur le Danube, la ville de Lom abrite le 2ème port fluvial bulgare. La municipalité compte 5 villages autour de sa ville. Elle est très agricole, assez pauvre et est considérée par l’Etat comme n’ayant pas atteint un niveau de modernité élevé. En fait, à l’époque communiste, elle fut très industrielle mais après la révolution de 1989, la plupart des usines fermèrent mettant ainsi 80 % de la population active au chômage… Seule une brasserie assez connue en Bulgarie subsiste. Il n’est pas facile de s’en réjouir, mais l’EcoClub de l’une des deux écoles (7-18 ans) de la ville y trouve néanmoins un aspect positif : cela fait de la ville l’une des plus « propres » du pays… Maigre consolation.

M. Petar Dulev entouré de ses gorilles

Ces deux villes nous ont accueillis à elles deux un peu plus d’une semaine de la plus belle des façons. Nous avons pu rencontrer en particulier à Belene : M. Petar Dulev, le maire, Mme Margarita Pernikova (relation publique et autre fonction comme fréquemment dans ces petites villes où l’effectif de la mairie est réduit), et Dochka, une jeune bulgare émigrée à Morlaix (Bretagne) depuis 7 ans avec sa famille et en visite ici.

A partie de la droite : Douchka et Margarita

C’est elle qui nous a aidé à communiquer pendant ce séjour, car peu de personnes parlaient anglais lors de nos visites. A Lom, nous avons également rencontré Mme le maire, Penka Penkova alors que ce sont Rumyena Simeanova (du service « Programme Municipal de Développement ») et Silviya Ivanova (qui était ici interprète) qui ont été nos principales interlocutrices.

Mme Le maire de Lom, entourée de Rumiena à gauche et Silviya à droite

C’est ici que nous ont été présentés plusieurs exemples illustrant le partenariat public/privé dans le cadre d’une réhabilitation thermique de bâtiment public. C’est avec cette expérience acquise que nous pouvons maintenant parler de ce concept assez nouveau (du moins en Bulgarie) de contrat d’efficacité énergétique.

Des débuts remarqués à Lom

C’est à Lom que le premier contrat d’efficacité énergétique a été signé par une ville bulgare. La ville devait réaliser des travaux pour une école maternelle appelée « Chaperon rouge » et ses 180 chérubins. Du fait de l’absence d’isolation des murs et du toit et des fenêtres simplement vitrée en bois, il n’était pas possible pour les deux chaudières « antiques » d’assurer une température confortable dans les bâtiments en hiver. De son côté, la compagnie bulgare ENEMONA, spécialisée dans l’énergie, détenait des informations sur la ville et ses bâtiments. Elle souhaitait aussi dynamiser ses activités en se lançant dans un nouveau type de business, le contrat d’efficacité énergétique. Les compagnies qui proposent ce type de contrat sont appelées ESCO. Nous en avions déjà entendu parler à Brasov et très brièvement à Anderlecht.

Le collège de Belene ayant bénéficié d'un contrat ESCO

Un contrat à multiples facettes

Ce contrat prévoit que, lors d’une réhabilitation thermique, l’investissement de départ est réalisé uniquement par la firme. C’est aussi elle qui réalise les travaux. La ville paie ensuite pendant la durée du contrat sa facture énergétique (fortement réduite) et rembourse progressivement l’investissement sous forme de mensualités. L’établissement des termes du contrat est le résultat d’une équation complexe utilisant l’audit énergétique et intégrant les différentes contraintes de chaque partie ainsi que la contrainte de base du contrat, à savoir que le remboursement annuel est égal aux économies annuelles estimées. Autrement dit, la somme de la nouvelle facture (allégée) et du remboursement de l’investissement est à peu près égale à son ancienne facture énergétique (lorsque l’on ramène cette facture à l’année, car la facture varie d’une saison à l’autre).

Ce contrat est assez difficile ou long à expliquer. Cependant, ChallenGES Tour, qui n’a pas froid aux yeux, est prêt à relever le défi. Accrochez-vous !

Illustration

Voici un tableau issu de l’audit énergétique de la niche de Nestor le labrador, très peu efficace en énergie, quoique très cossu :


Dans le cas de cet habitat, comme dans celui de l’école qui a vu grandir le petit Chaperon Rouge, les signataires du contrat choisissent la combinaison de travaux qui répond le mieux à leurs critères.

Oublions un peu Nestor.

Ici les critères étaient :

Pour l’école :

- l’amélioration significative du confort des enfants et du personnel

- la réduction de la facture énergétique

- un retour sur investissement pas trop long (sans fixer de limites)

Pour la firme :

- la réalisation des travaux d’ampleur significative

- un retour sur investissement rapide (5 ans environ) notamment parce qu’il s’agit d’un projet pilote, et que des résultats sont attendus assez rapidement (afin de pouvoir reproduire ce type de contrat)

- l’implantation dans le décor de la ville (afin de remporter de futurs appels à projet)

Ainsi, dans l’école du chaperon rouge, l’investissement de départ fut de 57 500 €. Le toit et les murs ont été isolés (par l’extérieur), les chaudières remplacées, l’éclairage rénové, les vieilles fenêtres côté Nord remplacées par des fenêtres double vitrées en PVC, les autres ont été seulement réparées. Le contrat est signé pour une durée de 5 ans et 9 mois durant lesquels la ville va payer 840 €/mois et le montant de sa facture énergétique réduite.

A Belene, c’est une école de 700 élèves qui a fait l’objet d’un tel contrat l’été 2006. Les mêmes travaux ont été réalisé mais toutes les fenêtres ont été remplacées et un système automatisé (et relié par satellite à la firme installatrice) de suivi de la température et contrôle des chaudières a été installé. L’objectif est d’atteindre à la fin des travaux une consommation de 82 kWh/m²/an, ce qui est peu (surtout pour un vieux bâtiment).

Le Danube pour vous apaiser

Un résultat garanti

Une notion importante ici est la notion de résultat garanti pour la ville. C'est-à-dire que les deux parties se sont mises d’accords au début sur un taux d’économies d’énergie minimum à réaliser à travers les travaux. Par exemple, dans l’école concernée à Lom, la firme avait garanti 52 % d’économies d’énergie. L’école était donc assurée de ne pas payer plus de 48 % (en énergie) de son ancienne facture. Si tel était le cas, la firme aurait dû payer la différence. Dans un autre sens, l’objectif visé (l’estimation qui servait de base au contrat) était de 56 % d’économie d’énergie. Si cet objectif était dépassé, la ville s’engageait à verser le surplus d’économie à la firme. Ces transferts d’argent sont décidés lors des réunions d’une commission comprenant des membres des deux parties. A Belene, la firme a reçu un petit bonus en 2007 alors qu’à Lom, les résultats attendus ont été juste atteints.

Pour ajuster l’ampleur des travaux à réaliser, essayer d’optimiser ses bénéfices et pour permettre à la commission de prendre ses décisions, la firme contractante suit pendant la durée du contrat la consommation réelle du bâtiment avec l’aide d’experts de la ville.

Ancienne chaudière / nouvelle chaudière : qui est qui ?

Un contrat difficile à négocier qui a aussi ses limites

Vous l’aurez compris, l’estimation des économies d’énergies (et d’argent) constitue un enjeu crucial du contrat. Celle-ci est réalisée à la suite d’un audit énergétique réalisé en général par la firme contractante (ici ENEMONA). Mais comme l’ampleur de ses bénéfices dépend de cette estimation, elle ne doit pas être seule à réaliser l’audit. Ainsi, en général, des experts de la ville suivent cet audit de près afin de s’assurer de son impartialité. C’était le cas à Belene.

Le contrat a aussi ses limites en terme d’efficacité énergétique. Par exemple, à Lom, la firme souhaitait un contrat relativement court, ce qui a eu pour conséquence de limiter l’investissement de départ. Résultat : toutes les fenêtres n’ont pas été changées. Et cet investissement manquant ne sera pas réalisé de si tôt.

Une autre limite de taille est qu’il n’existe pas de législation (du moins en Bulgarie) qui encadre ce type de contrat scellant un partenariat public/privé. Or la ville n’est souvent pas suffisamment armée pour les négociations. Pour cela, il existe des experts en partenariat de ce type (de cabinets privés) mais ils sont très peu nombreux dans ce pays et c’est très cher. Nous avons eu la chance d’assister à une séance de négociation de ce type à Lom pour un projet relativement important de rénovation et de construction d’un réseau de chauffage à distance avec chaudière à paille. C’était en bulgare mais nous avons pu suivre le débat qui fut très intense. Lom était ce jour bien armé. La séance n’a pas abouti et a été reconduite…

Les bouts de chou ici sont maintenant à l'abri des hiver les plus froids

Malgré ses limites, ce concept est prometteur. C’est pourquoi nous avons souhaité en parler ici, quitte à y consacrer de nombreuses lignes. Difficile à négocier, ce type de contrat n’en reste pas moins la seule solution pour de nombreuses villes de rénover leurs bâtiments publics (écoles notamment). Ceci signifie respecter la loi, offrir un confort à ses citoyens, réduire (à terme) sa facture énergétique et réduire (immédiatement) ses émissions de gaz à effet de serre.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

salut les amis ! un grand bonjour de Mopti ou nous avons passé 2 jours avec Tonio, nous partons pour le pays dogon cet apres midi... on pense bien à vous, vos petites blagues ns manquent !
bizz !
Morgane et Antoine